Le comorien: un citoyen de circonstance , ankylosé par l'esprit villageois

La construction d'une nation solide aux Comores demeure un défi majeur, façonnée par des décennies d'instabilité politique et l'absence d'une éducation citoyenne. Cette recherche d'identité nationale est confrontée à l'esprit villageois, fragmentant l'identité comorienne entre les liens familiaux, villageois, régionaux, et insulaires. Cette fragmentation entrave l'unité nationale et alimente également un système clanique qui entrave le progrès et favorise l'injustice.

Le phénomène du communautarisme transcende les frontières, fragmentant la diaspora comorienne à l'étranger. Au Sénégal, comme au Maroc, à Madagascar comme en France, au lieu de former des associations unifiées, les énergies sont dissipées dans des entités villageoises, renforçant ainsi l'individualisme. Cette mentalité se traduit par une stigmatisation interne.Le Grand Comorien stigmatise sans arrêt l’Anjouanais et le Mohélien, inversement. En outre, le spectre du séparatisme aggrave les tensions inter-îles, menaçant même l'existence des Comores. Mais, c'est surtout le chauvinisme qui inflige des fractures au sein des villages et des régions au sein d'une même île.

De plus, L'inertie de l'État aggrave ces problèmes, laissant les villages assumer des rôles cruciaux du gouvernement. Les défis quotidiens, tels que l'accès aux soins de santé et à l'éducation, sont souvent résolus par les villages, sapant le lien entre l'État et ses citoyens. Il est impératif que l'État reprenne ses responsabilités régaliennes afin de rétablir la confiance et favoriser l'émergence d'une identité nationale.

L'esprit villageois se manifeste de manière criante dans la société. Lorsqu’il fraude l'électricité, le Comorien semble éprouver une satisfaction d'avoir soustrait des ressources à l'État, ignorant que l'État est une extension de sa propre entité. Le citoyen comorien, davantage préoccupé par son cercle familial et villageois, ne perçoit pas cette infraction comme une atteinte à l'intérêt général. Le détournement des deniers publics est parfois vénéré voire encouragé, et ceux qui s'abstiennent de telles pratiques, ou qui n'appuient pas l'emploi de leurs“covillageois”,peuvent être stigmatisés, soulignant ainsi l'importance accordée à la primauté du village. Pour le Comorien, occuper une position de pouvoir implique souvent de tirer profit de celle-ci et d'en faire bénéficier les proches, traitant l'État comme un concept étranger. Le comorien voue une loyauté extrême à son village, prêt à sacrifier sa vie pour celui-ci plutôt que pour son pays. La nécessité de sensibiliser à l'impact collectif de ces actes est cruciale pour instaurer une éthique citoyenne et renforcer le tissu social.

La construction d'une nation comorienne unie nécessite une profonde réflexion sur la transcendance des identités locales pour favoriser l'unité nationale. Les Comoriens doivent embrasser la richesse de la diversité des îles. La conscience de la vulnérabilité actuelle, la suppression des distinctions régionales, et l'extension de l'unité nationale au-delà des matchs des cœlacanthes sont des étapes cruciales. Souligner l'importance de l'éducation citoyenne et de la méritocratie permettra aux Comores de rompre avec les schémas villageois, favorisant  l'émergence d'une identité nationale forte sur la scène mondiale.

Iddy Soidroudine Boina